Plus 25 % ! Ce chiffre flatteur, fourni par l'Apec, dévoile la progression du nombre d'offres d'emplois de cadres sur un an, pour le premier trimestre 2010, dans le secteur informatique. A l'origine de près de 90 % des recrutements de professionnels, les sociétés de service en ingénierie informatique semblent sortir de l'ornière. « A l'instar de leurs clients, les SSII ont à nouveau le sourire, commente Christine Pruvost, manager, en charge du pôle Informatique et Telecom chez Mercuri Urval.Les plus grosses d'entre elles ont annoncé des résultats financiers plutôt encourageants. Ce qui contraste radicalement avec le climat délétère qui régnait l'an dernier. »
En 2009, 8.000 emplois avaient été détruits, selon le syndicat de professionnels Syntec. Mais la machine semble repartir. L'Apec table sur 21.800 à 24.000 embauches cette année.
De Capgemini à Atos Origin ou Sopra, les grands noms ont ouvert le bal, annonçant, 600, 700 et 1.000 recrutements chacun. D'autres leur emboîtent désormais le pas. A l'image de Neurones, une SSII de 2.700 salariés, spécialisée dans l'intégration et l'infogérence, qui prévoit d'embaucher 800 collaborateurs.
La reprise semble donc poindre. Pour preuve : « Le taux de turnover de nos cadres a repris. Il y a trois ans et demi, il frôlait 20 %. En 2009, il a péniblement atteint les 10 %. Mais il s'élève déjà à 13 % pour les cinq premiers mois de 2010 », observe Bertrand Ducurtil, directeur général de Neurones, qui recherche des ingénieurs en développement, des chefs de projet et des administrateurs « réseaux » ou « bases de données ».
Même constat chez Devoteam, qui a prévu, en France, d'ouvrir ses portes à 500 consultants et ingénieurs avant décembre… « 2010 fait figure d'année de transition après la bourrasque de 2009 et avant, nous l'espérons, une véritable embellie en 2011, explique Gaït Le Goaster, responsable adjoint du recrutement chez Devoteam. Nous recevons de grosses demandes de nos clients, notamment en termes de projets de mise aux normes comptables ou environnementales ou encore dans le cadre de démarches de dématérialisation. »
Si, à grands coups de publicités, les SSII affichent leurs plans de recrutement -logique de communication en RH oblige -elles restent néanmoins vigilantes. « Cette crise, violente dans son déclenchement et dans sa forme, nous force à la modestie, explique Stéphane Morvillez, directeur général de la société de conseil et d'ingénierie Aedian, experte en banque, finance et assurance. Même si nous continuons à repérer et à embaucher des profils "clefs ", nous avons mis en place une politique de recrutement pragmatique, plus court-termiste en fonction des contrats que nous décrochons. »
Car 2009 a laissé des traces. « Les SSII se sont considérablement restructurées. Un grand nombre de salariés en " intercontrats " -période de latence entre deux prestations chez un client -ont été licenciés. La prudence est de mise, d'autant qu'un certain nombre de leurs clients en sont encore aux déclarations d'intention », observe Eric Hauptmann, directeur du cabinet de recrutement Solution RH et de Coach en Recrutement (coaching en recherche d'emploi).
Toutefois, soucieuse de préparer l'avenir et d'éviter une pénurie de compétences qui menace, ces entreprises étoffent leurs viviers de candidats. Outre l'embauche de jeunes diplômés, fortement éprouvés par la crise en raison de la prime classique à l'expérience, Capgemini veut signer 550 contrats en alternance en 2010. De son côté, Atos Origin compte accueillir près de 500 stagiaires. Idem chez Devoteam, qui après avoir « enrôlé » 80 stagiaires en 2009, table sur plus d'une centaine cette année. « Nous avons mis en place une véritable politique d'intégration et de formation des stagiaires, non seulement sur les dimensions techniques du métier, mais aussi en termes d'adaptabilité et de savoir-être, raconte Gaït Le Goaster. L'objectif est de les faire monter en compétences et de les intégrer progressivement dans nos équipes. »
Quant aux rémunérations ? Selon une enquête d'Oberthur, le salaire à l'embauche dans les SSII n'a augmenté que de 1,8 % en 2009, alors qu'il avait bondi de 3,5 % en 2008. Soit une baisse de 50 %. Si l'on intègre à ce salaire, les primes et l'intéressement, la chute s'avère plus drastique encore : la hausse passe de 5 % à… 0,4 %. Ainsi, d'après les experts, en 2010, les salaires dans les SSII devraient se maintenir au niveau de 2009. « Leurs clients se situent plus que jamais dans une logique de retour sur investissement. Pour chaque projet, ils s'efforcent, en permanence, de faire baisser les prix. Ce qui diminue singulièrement les marges de manoeuvre des SSII pour attirer les meilleurs profils, analyse Renaud Ramia-Ramanana, manager de la division « Technologies-Conseil-IT » chez Manpower.Toutefois, il est possible, même aujourd'hui, pour un candidat expérimenté et doté de compétences rares, de voir sa rémunération augmenter de 10 à 15 %. »
Reste à dénicher ces perles rares. Outre le recours traditionnel aux sites de recrutement et à la cooptation -classique dans le secteur -les SSII s'aventurent sur les sites communautaires professionnels, tels Viadeo, Linked In ou XIng, voire amicaux (Facebook). « Il s'agit d'un petit marché, frappé de pénurie, où tout le monde, peu ou prou, se connaît, observe Eric Hauptmann auteur du livre "Le guide du candidat recruté". Le réseautage social permet un ciblage plus qualitatif. En effet, les profils recherchés ont tendance à déserter les sites généralistes car, à peine ont-ils déposé leur CV, qu'ils reçoivent des dizaines de sollicitations. »
Autre moyen d'attirer les talents : (re) travailler sa marque employeur à travers l'organisation d'évènements spécifiques ou de communication ciblée. «En 2009, nous nous sommes efforcés de faire front face à la crise en parant, parfois, au plus pressé, note Laurent Benazera, directeur du recrutement chez Open. Cette année, la reprise aidant, nous avons à nouveau investi dans la communication RH, participé à des Forums écoles et organisé des rencontres avec le réseau des anciens du groupe. »
Il y a quelques jours, Altran, qui se relève d'un plan de départs volontaires, a mis au point une campagne destinée à pourvoir 150 postes sur 1.900embauches prévues en 2010. Ses futurs collaborateurs ont découvert l'entreprise grâce à un site web conçu pour l'occasion.
Au menu : visite virtuelle des locaux, aperçu des métiers, interactivité entre candidats et collaborateurs via des chats vidéo, et cinq fils Twitter pour suivre la journée type d'un consultant. Cerise sur le gâteau : un « ChatRoulette » -discussions entre inconnus par Webcam interposées -a permis aux postulants de dialoguer pendant une heure avec une centaine de collaborateurs du groupe.
Eric DELON, Les Echos, 1er Juin
Article source : http://www.lesechos.fr/management/actu/020563589552-les-ssii-renouent-avec-les-recrutements.htm